L’envoi de lettres aux clients d’un prétendu contrefacteur de brevets constitutif de dénigrement.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi interjeté à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de Versailles (6 novembre 2013, rendu en matière de référé) ayant considéré que les sociétés titulaires de brevets avaient commis des actes de concurrence déloyale par dénigrement, constitutifs d’un trouble manifestement illicite, en adressant aux distributeurs des produits d’un concurrent une lettre « exclusivement centrée sur la question du programme de licences mis en œuvre par les brevetées et rédigée en termes comminatoires, sans explication sur les éléments prétendument constitutifs de l’atteinte alléguée, ne se limitant pas à une simple mise en connaissance de cause des vendeurs sur un risque de contrefaçon de brevets en cas de poursuite de la commercialisation de leurs produits au sens de l’article L. 615-1, alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle »

Rappelons que qu’aux termes de cet article, le titulaire d’un brevet ne peut agir en contrefaçon à l’égard d’un distributeur ou d’un revendeur d’un produit contrefaisant que si ce dernier a commis les faits litigieux en connaissance de cause.


En l’espèce, la Cour d’appel avait relevé que les sociétés titulaires des brevets avaient fait état dans la lettre litigieuse de ce qu’elles estimaient être leurs droits, sans toutefois mentionner les contestations formulées par les sociétés prétendument contrefactrices.


Les juges du fond avaient également estimé que l’envoi de ladite lettre ne pouvait être légitimé par les pièces qui avaient été jointes.


En effet, les brevetées ne pouvaient laisser le soin aux destinataires de leur lettre de contrôler eux- mêmes le bien-fondé de leurs prétentions, « à supposer qu’ils en aient les moyens techniques en l’absence de tout élément sur les contestations élevées par leur fournisseur ».


Cet arrêt confirme, si besoin était, que les titulaires de brevets doivent être extrêmement prudents lorsqu’ils adressent des lettres de « mise en connaissance de cause » aux contrefacteurs indirects en application de l’article L. 615-1 précité. Ils doivent être mesurés dans les termes employés, s’abstenir de toute affirmation catégorique et absolue, allant au-delà de la simple mise en connaissance de cause de l’existence des brevets et produits et du risque de contrefaçon.


Cass. com. 27 mai 2015 n°14-10.800 (n° 514 FS-PB), Sté Technicolor c/ Sté Vestel Elektronik Sanayi VE Ticaret AS